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Un proverbe himalayen dit : "Les sages font face à la souffrance par l'étude, la méditation, la repentance et les bonnes œuvres. Tandis que les fous font face à la souffrance par le doute et la confusion. Ils accusent autrui ou le ciel de leurs maux, et polémiquent contre eux".
Le "psychologue" bouddhiste prend comme point d'appui l'état de Bouddha ; c'est à dire celui d'un être ayant un ensemble émotionnel et mental éveillé et libéré de tout conditionnement. Cet état de Bouddha est notre véritable nature et, à partir de là, le thérapeute va analyser la maladie psychique des êtres non-libérés que nous sommes.
Selon les vues du Tantrisme, pour trouver des réponses thérapeutiques, le psychologue va mettre en évidence ce qui, dans l'appareillage psychique du patient, fait obstacle à cet état pleinement éveillé et libéré.
Au travers d'équivalences entre les pathologies et la position des astres au moment de la naissance du sujet et au cours de sa vie, le praticien va mettre en évidence des conditionnements inscrits sur le terrain subtil du patient et comment ils interfèrent cycliquement sur sa santé psycho-subtile. Là est la cause de la souffrance, et c'est de là qu'elle devra être identifiée pour pouvoir être traitée.
La cause première n'est évidemment pas dans les astres, ces derniers servant uniquement d'index aux modifications dans l'équilibre psycho-subtil du patient.
Pour comprendre cette méthode d'analyse, car pour le Tantrisme la même force mue les planètes et nos sphères intérieures, il faut avoir en mémoire que la science psychologique bouddhique décrit trois sphères fondamentales de l’être :
- le monde extérieur de notre environnement (qui va de l'univers naturel qui nous entoure jusqu'aux étoiles les plus éloignées) ;
- le monde intérieur de nos perceptions et de nos réactions mentales et émotionnelles ; et
- le continuum spatial (ou aspect subtil) qui leur est sous-jacent et qui les interpénètre.
C'est ce continuum spatial, invisible mais clef de toute la science tantrique, qui sera l'objet de la thérapie. Ce dernier se manifeste à travers cinq champs d'énergies primaires : la solidité de la Terre, la fluidité de l’Eau, la combustion (ou chaleur) du Feu, la mobilité du Vent, et le vide (ou l’Espace) sans contenu.
Le moyen de la guérison sera, non pas de verbaliser nos problèmes ou de les faire taire en nous droguant avec des médicaments (même si cela peut constituer une aide provisoire en cas de crise aigüe) ; mais de les transformer en reconnaissant en eux une manifestation des cinq Eléments.
Dans cette thérapie originale, le "moi" est analysé, à partir des instructions du Bouddha, comme composé de l’énergie des cinq Eléments (on parle alors de cinq agrégats) ; plutôt qu'à partir de cette collection de névroses, d'anxiétés et d’habitudes qui nous sont tellement familières que nous nous identifions à elle. C'est la toute l'originalité de la psychologie bouddhique.
De son côté, la psychologie occidentale, elle, ne se préoccupe que de cette collection en distinguant d'hypothétiques "moi", "surmoi" et çà", découverts par Freud et ses successeurs lors de leurs pratiques analytiques. Eux-mêmes s'articulent entre "conscient" "pré-conscient" et "inconscient". La thérapie consiste à verbaliser nos traumatismes pour renforcer notre impression de moi et retrouver cette capacité d'affirmation de soi, que la psychanalyse estime être la condition de la santé mentale.
Image Wikipedia
Pour la psychanalyse, l'évolution de l'homme culmine ainsi dans un état de maturité psychologique chez un être humain capable de jouir, de supporter une dose raisonnable de contrariétés, de travailler, d'élever sa progéniture. Après quoi il décline et il disparaît définitivement, au travers de la sénilité, puisque, bien entendu, il n'y a rien après la mort.
Les idées de la psychologie classique et de la psychanalyse sont relatives et datées. Elles sont celles du rationalisme et du matérialisme de leur temps, c'est à dire celui de l'apogée de la révolution industrielle et du dogme scientiste.
L’analyse tantrique est bien plus pragmatique et s’inspire des textes originels du Bouddhisme. Pour le Bouddha, en effet, la souffrance naît de la croyance que notre collection d'expériences forme un "moi" fondamental. En vérité dit t-il, notre individualité est l'agrégat des cinq Eléments, perturbés par les "vents karmiques" formés par les traumatismes, qui en défigurent l'énergie.
Cinq éléments en version japonaise.
La dernière nuit de son Eveil, le Bouddha passe en revue les vues fausses, et leurs conséquences, pour définir les vues justes pouvant être transmises comme doctrine à sa communauté. La vision de l'homme en cinq Eléments lui apparaît clairement et il réalise que c'est l'ignorance de cet état de fait, qui enferme l'homme dans le cycle des souffrances.
Pour en sortir, revenir aux Eléments tels qu’ils sont intrinsèquement est, dans ce cadre de la thérapie bouddhique, un moyen d’éliminer l’emprise des "vents karmiques" sur les roues internes ("chakras") et la conscience ; sans avoir à identifier une par une les causes de nos souffrances par une analyse psychologique verbalisante de type freudien.
La méthode tantrique consiste alors à démasquer notre conception d’autrui et de nous même, lorsque nous ignorons que le moi est un simple agrégat d’Eléments et de vents karmiques (on parla alors de "flux de conscience").
Ignorant les énergies primaires Espace, Air, Feu, Eau et Terre, nous nous croyons alors :
1 - un espace défini (moi) ;
2 - un souffle continu (ma vie, mes vies) ;
3 - séparé d’autrui et non pénétré par toutes sortes d’influences, comme la chaleur du feu, émanant de l’univers ;
4 - permanent, alors que comme l’eau passant du liquide, à la glace ou à la vapeur, nous nous modifions constamment du moment de notre naissance à celui de notre mort ; et
5 – solide, alors que notre être est une collection d’Eléments.
Sur ces premières impressions, notre conscience, intoxiquée subtilement par sa collection d'expériences, va se désaxer et réagir aux distorsions qu’elle a produites. Le fait de nous sentir défini d’un point de vue spatial engendre un sentiment de perte d’espace. En s’aggravant, cette impression conduira à nous sentir écrasé et accablé dans un monde menaçant, avec au final une réaction dépressive. Enfermés sur soi, nous ne pouvons plus donner d’amour, nous ne pouvons plus nous préoccuper d’autrui, nous avons perdu toute intelligence à nous projeter dans une autre situation. Ce blocage se manifestera par une forte colère, contre nous même puis contre le monde entier.
Le fait de nous sentir continu, comme un souffle sans fin, engendre une certaine sécurité abusive, source de paresse. S’en suit un ralentissement dans le rythme de nos décisions. Comme la Terre continue à tourner sans nous, cet immobilisme produira à un moment ou un autre une prise de conscience. Cet événement donne une base à un sentiment de vulnérabilité, à des pensées anxieuses pouvant aller jusqu’à la paranoïa. Dès lors, notre mental s’embarque dans une analyse excessive de l’environnement dans le but de nous sécuriser. Mais cette stratégie est vouée à l’échec. Nous devenons de moins en moins confiant, empli de craintes de toutes sortes.
Le fait de nous sentir séparé d’autrui justifie un certain manque de chaleur envers ceux qui ne nous conviennent pas. Ils sont ainsi à nos yeux lorsque nous ne parvenons pas à nous mettre à leur place ; ce qui ne manque pas de les rendre parfois menaçants. L’échange naturel entre individus s’en trouve déséquilibré et nous nous enfermons dans une impression que personne ne nous comprend, que nous sommes seul. Pour nous sécuriser, nous nous attachons à nos biens, à nos créations psychiques et nous perdons toute compassion. Difficile alors d’éprouver la gratitude d’être en vie que nous devrions ressentir en considérant le sacrifice des plantes et des animaux qui nous nourrissent.
Le fait de nous croire permanent, alors que toutes les cellules de notre corps actuel auront été remplacées en moins de sept ans, engendre une certaine opacité entre la réalité, en re-formulation constante, et nous. Nous sommes tiraillé entre passé et futur ; plus très présent à la situation actuelle. Il peut en résulter un certain sentiment d’impuissance à gérer le quotidien : nous errons ressassant nos souvenirs, perdu dans nos rêves. Puis ensuite viennent diverses peurs, une fois le retour au réel opéré. Nous tentons de compenser le temps perdu par plus de la témérité, voire de l’agressivité envers autrui. Perdant à notre tour toute clarté de ce qu’il convient de faire, résultat de notre propre opacité à nous-même, nous en venons à concevoir des plans pas très honnêtes de gagner notre vie ou tout du moins relevant de la facilité (jeux de hasard, perte de tout scrupule).
Le fait de nous sentir solide engendre une certaine dureté envers autrui. Nous nous affirmons en tant qu’ego et exigeons des rapports adultes, sans place pour la compassion, la tendresse et la joie. Autrui devient insignifiant, ou alors, c’est à nous-même que nous n’accordons plus rien. Toute notre activité est orientée vers la recherche de pouvoir et de solidité … mais le seul pouvoir est celui que l’on peut exercer sur soi. Le monde est impermanent, il nous échappe sans cesse. Les empires s’écroulent tous un jour et ne laissent qu’un océan de souffrances derrière eux. Nous en devenons indifférent au monde, à nous-même, alors que l’équanimité aurait pu nous apporter une certaine flexibilité, facteur de joie, et une compassion sans faille pour autrui.
En réalisant la nature fallacieuse de notre impression de "moi", nous pouvons démasquer notre nature composite et ramener une manifestation harmonieuse des énergies des cinq Eléments. La thérapie bouddhiques vise à un déconditionnement de nos habitudes de pensée. Toutefois, réaliser que tout est composé, et donc animé d'un cycle de création (naissance), de maintien (vie) et de dissolution (mort), ne suffit pas. Nous devons aller au-delà et réaliser la "vacuité", c'est à dire le fait que même les cinq Eléments sont "vides d'existence propre". Toutefois, c'est un domaine où la psychologie tantrique n'entre pas, et qui est réservé à la spiritualité bouddhique.
En démasquant le caractère composé des phénomènes, c'est à dire en réalisant qu'ils sont la manifestation des cinq énergies primaires, donc des cinq Eléments, nous pouvons soigner nos troubles psychologiques et retrouver la santé mentale. C'est là ce que propose la psychologie bouddhique, qui se passe de verbalisation et de psychanalyse, la collection d'expériences sur laquelle s'appuie notre impression de moi étant au contraire la source de la pathologie.
Du point de vue du bouddhisme, la psychanalyse aggrave donc au contraire la maladie. D'autant que notre flux de conscience (notre moi ordinaire) peut être traversé par d'autres flux de conscience du domaine subtil, tout comme deux êtres physiques peuvent s'unir pour agir, et conduire à des phénomènes de dédoublement de la personnalité et d'audition de voix, que la psychanalyse ne manque pas de faciliter et qu'elle est bien incapable de faire cesser. Ces phénomènes sont réputés survenir lorsque le terrain du patient y est favorable, et dans certains lieux (comme les cimetières et les lieux témoins d'événements violents) ou à certaines époques de l'année, dites "sinistres", consignées dans les calendriers astrologiques.
En conséquence, la thérapie bouddhiste tantrique dispense en premier lieu un enseignement doctrinal sur la nature du moi et les cinq Eléments. Puis, elle propose de le réaliser en mettant en scène des situations types lors desquelles des attitudes mentales et émotionnelles à acquérir agissent en anti-dotes, en libérant les cinq énergies primaires. Par exemple, la colère et l'équanimité ne peuvent cohabiter simultanément dans notre conscience. Or, il est possible de générer cette qualité par des visualisations thérapeutiques simples, qui se superposent à notre perception du réel et modifient ainsi notre réaction. De là, nous pouvons importer cet état d'esprit dans notre vie quotidienne, pour retrouver une qualité de vie appréciable.
Face à une émotion perturbatrice, nous ne réagissons pas alors selon notre mode habituel, l'évitement ou la dualité bien/mal. Nous accueillons cette émotion et la démasquons, pour produire ensuite une émotion contraire. Le mécanisme est laborieux au début, puis devient un jeu et enfin un mode normal de réaction. En fait, selon les vues du Bouddhisme, ce mode est celui naturel ; ce n'est que parce que nous avons oublié la nature composée de notre flux de conscience, que nous en venons à éprouver des émotions perturbatrices et tout leur cortège d'afflictions douloureuses. La thérapie bouddhiste consiste donc à redevenir ce que nous n'avons jamais cessé d'être, loin de cette collection de névroses et d'anxiétés, que nous avions cru faussement être notre essence même.
Résumé.
Technique de psychothérapie bouddhique (on passe d'un état au suivant) : souffrance > affirmation égocentrique comme impression maladive de soi > étude des 5 agrégats > réalisation des 5 énergies primaires élémentales > mise en oeuvre des 5 antidotes > apparition des 5 qualités psychiques naturelles > réintégration sociale dans une dynamique fondée sur la compassion et l'Eveil > ouverture spirituelle sur notre essence métaphysique > réalisation de l'interdépendance des êtres > cessation définitive des souffrances
Technique de psychanalyse occidentale (on passe d'un état au suivant) : souffrance > verbalisation des traumas > répétition des étapes de l'affirmation du moi > réaffirmation du moi > réintégration dans la société matérialiste et individualiste > confirmation du dogme scientiste > plus de souffrances pour les plus faibles, égoïsme exacerbé des plus forts.
Compléments.
La méthode de santé naturelle dite "Reiki", venue du Japon, présente cinq Principes, formant un code moral, que Mikao Usui aurait emprunté à la littérature de son époque.
Ces Principes sont suspectés d'être à l'origine une manière très épurée de présenter la psychologie bouddhiste élémentale. Les qualités qu'ils valorisent sont, en effet, assez semblables à celles des cinq Bouddhas, associés à chacun des Eléments dans les thérapies à base de visualisations et de cosmogrammes.
Les praticiens de Reiki tireront un bénéfice certain à étudier la psychologie bouddhique tantrique tibétaine, qui possède son équivalent dans le Mikkhyo, l'ésotérisme nippon. Toutefois, cela signifie pas que le Reiki soit authentifié comme un produit certain du bouddhisme. Il est une création typique de l’aristocratie impériale du Japon, apparue à une époque (ère Meiji) où des savoirs secrets avaient vocation à être rendus publics et popularisés, car menacés de disparition.
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